Giochi dell'Oca e di percorso
(by Luigi Ciompi & Adrian Seville)
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"La Revolution"
Autore: Girard&Quetel 
Étrange vision de l’Ancien Régime que celle dont aujourd’hui encore nous avons hérité de la Révolution: les Français aimaient leurs rois, estimant que leur devoir était de les servir fidèlement et croyant que ces rois étaient les représentants de Dieu sur la terre. Pendant des siècles, nos pères aimèrent leurs rois mais ces derniers méritèrent de moins en moins pareil amour. C’est donc la faute des rois si la royauté n’a pas duré. Brulant ce qu’ils avaient adoré, les jeux de l’oie, prenant en l’occurrence un virage définitif en direction de la franche propagande, n’ont pas manqué de tenir le meme discours dès les débuts de l’Assemblée Constituante. Henri IV est le seul roi qui échappe à l’holocauste affectif, et conserve la sympathie officielle. Peut-etre croit-on, bien à tort, que le règne de la poule au pot est enfin arrivé ? Son nom est souvent associé au père Gérard, simple cultivateur de l’Ouest devenu membre de l’Assemblée Constituante, et que son costume breton, sa naiveté, et par-dessus tout l’incarnation des vertus rurales avaient rendu populaire. Ainsi le très beau Jeu National et Instructif, édité en 1791, a pour sous-titre : "leçons exemplaires et amusantes données aux bons Citoyens par Henri IV et le père Gérard". La France après mille ans d’esclavage vient d’etre délivrée de ses chaines. Mais l’auteur ne s’est pas aperçu qu’en développant, à partir de ce maillon brisé par le Temps, une chaine de 83 médaillons (autant que lès départements nouvellement créés ?), un mauvais esprit aurait pu considérer que c’était avec la Révolution que naissaient de nouvelles chaines. Parcours révélateur en tout cas, où toutes les vertus sont en costume révolutionnaire et mythologique, où les vices et les défauts sont en habit d’Ancien Régime. On part de "l’Égalité des Trois Ordres" pour aboutir à la "Constitution" dont s’échappe une corne d’abondance conduisant à une espèce de terre promise, nouveau jardin de l’oie où un génie de la liberté éclaire de ses feux le nouveau peuple français. On attend beaucoup de cette première Constitution française, comme l’attestent deux autres jeux édités en 1792 et inspirés du précédent: "Les délassements du père Gérard, ou la poule de Henri IV mise au pot" en 1792, et la "Nouvelle Constitution, ou poule de Henri IV". Dans un jeu comme dans l’autre, une chaine de 83 médaillons aboutit à la nouvelle constitution promulguée en septembre 1791, et figurée là encore par une corne d’abondance dans laquelle se cotoient de façon prémonitoire l’effigie de Louis XVI et la hache des licteurs. Les grands principes politiques défendus par les philosophes du XVIIIe siècle ont inspiré les législateurs: la séparation des pouvoirs qui conserve la monarchie à la tete de l’exécutif, la souveraineté du peuple, très édulcorée en fait par le suffrage censitaire. Pourtant la fin de 1791 et le début de 1792 sont encore le moment de la Révolution heureuse, de l’optimisme libéral, en attendant les dérapages de la guerre et de la Terreur. Mais qui y penserait, alors que nombreux sont ceux qui croient que la Révolution est terminée? Ces jeux de l’oie nationaux, qui ont révolutionnairement remplacé les cases réservées aux oies par les poules de Henri IV, le montrent bien: au n°18 le despotisme meurt, au n°30 on abolit les lettres de cachet, au n°31 on démolit la Bastille. La noblesse rétrograde de sa case 26 à la case 1 (l’égalité) tandis qu’avancent le don patriotique, et mème encore, mais pas pour longtemps, la religion. Voué par la Révolution à une mission de propagande, "Le jeu national", explique l’Almanach historique de la Révolution française pour 1792, est "à la portée de tout le monde et propre à faire connaitre à toutes les classes de la société les avantages et les bienfaits de la Révolution et de la Constitution. Ce jeu, principalement destiné à instruire les habitants des campagnes, se vend par paquets de vingt exemplaires à raison de 5 livres et de 6 livres francs de port". Toujours édité en 1791, à la suite de la promulgation de la Constitution, un autre jeu de l’oie, "Le jeu de la Révolution Française" fait lui aussi l’apologie de la Révolution. Il est certainement le plus curieux et le plus rare des jeux de l’oie inspirés par la Révolution Française, et l’exubérance des cadres (longues piques pour les cadres verticaux, banderoles tricolores et guirlandes de roses rouges adornées de culs-de-lampe pour les cadres horizontaux), tout comme la beauté des vignettes, le placent dans la lignée des jeux de l’oie de grande facture. Quelques variantes gravées par des mains moins habiles indiquent, semble-t-il, un grand succès de ce jeu dans les milieux populaires. A partir d’une très belle gravure de la prise de la Bastille, un parcours ramené à ses 63 cases traditionnelles nous mène jusqu’à l’immense vignette de l’Assemblée Nationale que surmonte un écusson orné du bonnet phrygien: "Le bonheur de la France est signé le 14 septembre 1791, par Louis XVI, premier Roi constitutionnel des Français". Les magistrats des grands parlements du royaume sont devenus des volatiles babillards et se retrouvent, de 5 en 4, dans les cases habituellement réservées à l’oie. Quant aux événements évoqués dans cette première Révolution, ils nous apparaissent dans une sélection assez révélatrice de la sensibilité populaire: si par exemple la case 2 commémore la réunion des trois Ordres, la case suivante célèbre cette grande revendication des cahiers de doléances du Tiers État, que les manuels d’Histoire oublient trop souvent au profit des "grandes dates": la permission de chasser, non comme aujourd’hui pour un plaisir quelque peu barbare, mais pour un appoint essentiel de subsistance. Rien d’étonnant donc que cette "conquète révolutionnaire" figure avant l’abolition des droits féodaux (case 8), celle de la dime (case 10) ou celle de la corvée (case 17). Les événements politiques ne sont évidemment pas absents: l’arrivée du roi à Paris le 6 octobre 1789 (case 21), la Fete de la Fédération le 14 juillet 1790, la fuite du roi à Varennes (case 60) et son retour aux Tuileries apparaissent comme les grandes dates, à l’exclusion de la nuit du 4 aout 1789, pourtant constituée en événement par les manuels d’histoire: "Dans une séance du soir, le 4 aout, un noble proposa l’abolition des privilèges et des droits seigneuriaux. Un éveque l’approuva. On applaudit, on s’embrassa, on pleura de joie. Les privilèges et les droits seigneuriaux furent abolis" (Lavisse). On sait que l’Assemblée, après avoir solennellement décrété quelques jours plus tard qu’elle détruisait entièrement le régime féodal, soumit en fait la suppression des redevances et des offices de judicatures à un rachat quasi impossible. L’auteur du "Jeu de la Révolution Française" en a-t-il eu conscience en dessinant une case 8 sibylline: "les droits féodaux abolis par le temps" ?Dans la tradition des jeux sur le thème de l’amour et le mariage, entamée dès le XVIIe siècle et que le XIXe siècle reprendra dans une perspective non plus moralisante mais humoristique, le "Jeu de l’amour et de l’himénée", édité en 1792, nous montre avec ses coins ornés de bergeries que, malgré la Révolution, la galanterie du XVIIIe siècle n’a pas disparu. S’il n’y avait pas en effet ce faisceau et ce bonnet phrygien en médaillon, on pourrait se croire revenu sous le règne de Louis XV avec ce parcours digne d’une carte du tendre où de la rencontre et de l’étonnement à l’inquiétude et aux soupirs, on progresse sans coup férir à la déclaration, aux transports, en attendant que la jalousie, l’oubli voire la séparation ne soient que le tremplin vers l’accroissement de la passion et finalement l’union et l’hyménée. Au-delà d’une galanterie "de bergerie" formelle et superficielle, c’est en fait le droit à l’amour évidemment inclus dans le mariage, promu par la philosophie des Lumières, qui apparait, une fois de plus, après que nous l’ayons déjà rencontré dans le "nouveau jeu de l’hymen" édité tout au long du règne de Louis XV. Un ouvrage philosophique paru en 1785 (Catéchisme de la morale... à l’usage de la jeunesse) rompant en cela avec le mariage de raison du XVIIe siècle, ne prétendait-il pas que "le vil intéret a proscrit l’amour des mariages et l’a relégué dans les romans (...) Cependant, c’est une espèce de rapt qu’un mariage contracté sans tendresse; la personne n’appartient, suivant l’instinct naturel, qu’à celui qui en possède le coeur. On ne devrait recevoir les dons de l’hymen que des mains de l’Amour... " (cité par J.-L. Flandrin dans "Familles - parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société", Paris, 1978).
 

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